Mathieu, producteur multiplicateur de semences dans le Lot-et-Garonne

Dans le creux des montagnes rocheuses de l'est de l'Agenais, dans la commune où d’après l’étymologie latine et occitane, se rassemblaient autrefois les sorcières, un grand totem protecteur s’élève au dessus du Lac de Lartel, aux côtés des faucons pèlerins et des grands corbeaux nichant dans les escarpements rocheux. Il ne fallait pas moins qu’un paysage à couper le souffle pour retenir un grand voyageur tel que Mathieu et le retrouver à n’importe quel moment de la journée en contemplation devant les offrandes de la nature.

« Où que j’aille, la terre me nourrit à plusieurs niveaux, en m’offrant une alimentation et un ancrage. Alors, je me suis décidé à m’installer ici pour y poser mes racines. Depuis que je suis arrivé, il y a 8 ans, je construis et je me construis. » Mathieu a donc progressivement bâti, à son rythme, un cabanon en bois, puis a rénové la vieille ruine en pierres présente sur le terrain et, petit à petit, a agrandi son potager qui est devenu ce que nous voyons aujourd’hui ; une harmonie entre arbres et plantations : des courges spaghetti accrochées aux branches de noisetiers, des féviers d’Amérique zigzagant entre les ocas et les millets et des planches de tomates décorées de petites notes vertes de basilic et abritées par des amandiers. 

« Le déclic est venu un jour quand je me suis rappelé que ma grand-mère, très bonne jardinière, m’avait offert avec émotion une fleur de poireau pleine de semences. C’était un signe », rit-il en protégeant les plants de choux placés en godets de copeaux de bois compressés des pattes agitées de ses cinq chats. Longtemps habitué aux jardins ouvriers bruyants de Paris et aux ruches de toitures, Mathieu découvre chaque jour dans cet endroit isolé la paix du silence. « J’ai un tracteur mais plus le temps passe, plus je le trouve bruyant. Je préfère aérer le sol avec ma grelinette, en communion avec la nature. » Il est alors fier d’offrir une terre travaillée avec douceur aux betteraves, carottes et navets, qui viendront rejoindre le potager d’hiver. Il a aussi préféré l’authentique au moderne en réglant les crans d’un semoir du début du XXe siècle pour ses maïs, haricots et sojas.

Le producteur est conscient que les difficultés liées aux terres caillouteuses sont d’abord des contraintes pour les plantes elles-mêmes. « Je ne pense pas pouvoir bénéficier du savoir paysan qui s’est, selon moi, perdu avec l’arrivée de la nouvelle agriculture. Alors, je privilégie l’observation et la patience. Tout ce que je mets en place me paraît logique. » Les cultures sont protégées contre les nombreux assauts des petits habitants des forêts par des remparts d’orme. Elles sont nourries d’une eau de source dont la pureté certifiée par les bureaux d’analyse des zones Natura 2000 permet la survie de tritons et de la fameuse écrevisse à pattes blanches. Elles sont également soignées grâce à la présence de consoude, prêle et ortie à proximité du cours d’eau alimentant le lac.

Mathieu n’est pas le seul à trouver l’inspiration dans la beauté dans cette terre nourricière. La productrice Nadia, anciennement installée en production de semences de l’autre côté du lac était, elle-aussi, tombée amoureuse de ce paysage. Depuis son départ, une nouvelle dynamique rurale et agricole a été initiée par l’association citoyenne Tera autour de la création d’un éco-village autonome. Ces énergies convergentes diffusent, tout autour du lac de Lartel, un esprit de paix et de prospérité dans lequel Mathieu se sent chez lui.