Greg, producteur multiplicateur de semences dans le Béarn

C'est dans une ancienne bâtisse surplombant les reliefs alentours que Greg a trouvé son asile, comme pour se rapprocher du Ciel avec lequel il entretient un lien fort. Des archives oubliées au fond des placards lui ont dévoilé l’histoire de ces lieux. Ces petits trésors datant de la Résistance française lui ont permis d’étudier ces terrains béarnais. Aujourd’hui il scrute les anciennes ruines et remodèle le terrain à l’image du passé pour retrouver les plates-formes ancestrales, là où les anciens cultivaient à l’époque. Grâce à lui les jardins en escalier et les chemins des aïeux sont re-sortis de Terre.

La grande distribution, pour laquelle il aura travaillé un temps, aura eu raison de sa tolérance envers le modèle alimentaire actuel. Les listes de « produits » écrites noir sur blanc étaient la preuve indéniable de l’absence de diversité. Pour lui, la résistance se trouve dans la semence. Greg nous raconte « la fois de trop », celle qui fit tout basculer, le jour où à son ancien travail son patron lui refusa d'assister à une éclipse solaire. L’avenir lui donna la plus belle des revanches, lui qui désormais a l'équinoxe pour unique patron.

La passion a dirigé Greg vers le métier de producteur semencier, il entame sa troisième saison. Il prend aujourd’hui plaisir à jouer avec le matériel génétique. Il cherche sans cesse à optimiser son process ; la culture, la fabrication de machines pour la récolte et le traitement post-récoltes, la découverte des espèces nouvelles, la quête de qualité… Greg va jusqu'à créer sa propre banque de données : « avec 10 salades, il y a 10 grammes par salades, je peux prévoir le linaire dont j’aurai besoin, j’enregistre les dates d’implantation, de rempotage, etc. ». Greg sait, saison après saison, à quel moment et comment travailler le sol et son magnifique jardin atteste de cette harmonie. Les outils qu'il s’est confectionnés au gré des besoins rivalisent d'ingéniosité : de la perceuse entraînant le mouvement d'un tapis de caisse de supermarché, au souffleur de peinture pour retirer l'enveloppe des graines, tout est glané et optimisé ! Son regard sur le monde qui l’entoure a, depuis toujours, été son meilleur maître. 

La nature, complice de son projet, lui fournit de multiples avantages : Greg dispose de plusieurs parcelles qui lui offrent une diversité de sols, de la terre argileuse à la terre limoneuse, de l'ensoleillement généreux aux rayons discrets, Greg et sa petite famille s'épanouissent sur ce terrain de jeu grand de 5 hectares. L'avantage de ses terres se trouve dans leur disposition : elles sont isolées les unes des autres par des sections de chênaies centenaires qui lui permettent d'entretenir la pureté variétale.

Greg reste impressionné par la productivité de ses semences. « J’ai cueilli des radis, le travail était terminé, c'était livré… - Greg nous montre sa parcelle couverte de radis - des radis poussent partout, je ne les avais même pas vus ! Sans arrosage, sans rien, vraiment, c'est quelque chose qui n'arriverait pas avec une hybridation F1 faite d’un champ avec beaucoup d'engrais, alors oui, il va y avoir un rendement, mais derrière tu peux rien en faire ! »

Greg se tient fièrement à côté de son tabac Bambou Shoot, bien plus grand que lui, il nous avoue volontiers que cette variété est un véritable coup de cœur. Feuille à la main, il nous montre un pied qui sort du lot : « Dès qu’il y a ça, c’est de la disparité génétique, tu vois celui-là, je l’ai coupé avant la floraison pour éviter qu’il ne se croise avec les autres, sinon ça rend caduque le concept […] les feuilles n’ont rien à voir avec mon Bamboo Shoot. Donc on voit bien le port qui est large malgré de petites feuilles. On a un truc avec des feuilles très pointues à tous les niveaux. Donc moi j’ai supprimé la canopée, les fleurs, pour éviter qu’il y ait une pollinisation croisée ; éviter que ce caractère vienne s’installer dans le cahier des charges du Bambou Shoot, ça n’a rien à y faire. Moi je fais du phénotype qu’on appelle, là c’est un redressement de la pureté variétale. »

Des étoiles s’illuminent dans ses yeux quand il découvre avec nous un bébé couleuvre niché au fond d’une veine de compost « C'est fabuleux ! J'attendais ce moment, je scrutais ! ». Sa volonté de vivre au mieux avec les éléments de la Nature ne l’a jamais quitté ; il nous raconte qu’il utilisait du fil de coton bio pour tenir les haricots grimpants, comme la plupart des maraîchers en bio, jusqu’au jour où un Pic Vert s’est cassé une patte en pensant que la structure était solide. Greg a soigné l’oiseau le temps qu’il se remette de l’accident… Par prévention il utilisera désormais une structure en treillis de fer utilisée pour couler le béton. 

Pour Greg l’avenir ne peut-être dissocié du passé : il y a un devoir de respect et de préservation en perpétuant le travail de nos ancêtres. Un vent d’espoir souffle la Vie en abondance sur ses terres ; Greg forme déjà la relève et prévoit une part de son exploitation pour son jeune fils !

Vidéo : À la rencontre de Greg !