La nouvelle réglementation européenne en matière d’Agriculture Biologique

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Vous êtes nombreux à nous demander de réagir à l’adoption, au parlement européen, de la nouvelle règlementation bio et particulièrement aux deux nouvelles catégories de “variétés” de semences disponibles pour l’agriculture biologique : le “matériel hétérogène biologique”, qui correspond essentiellement aux milliers de variétés libres et reproductibles actuellement interdites à la vente par l’effet du “catalogue officiel”, et les “variétés biologiques adaptées à la production biologique”, issues de programmes de création variétale spécifiquement adaptés aux besoins et contraintes de l’agriculture biologique.

Si nous n’hésitons pas à féliciter les acteurs de cette bataille parlementaire pour leur pugnacité et leur courage (les négociations, les plus longues de l’histoire de l’UE, ont duré plus de trois ans), nous restons néanmoins très  “prudents” et attendons le résultat sur le terrain et dans l’assiette. Ceux qui nous connaissent savent bien que nous ne sommes ni réformistes ni confiants dans les institutions et que notre exigence législative est d’une simplicité limpide : que toutes les variétés du domaine publiques soient exclues des champs d’application législatifs. Et cela pour tous, non pas, seulement, pour une agriculture estampillée “AB”.

Ainsi, nous comprenons l’enthousiasme ambiant, car partout il est annoncé en grande pompe : « les semences sont enfin libres ! ». Il n’en est rien. Et si, à partir de 2021, les agriculteurs bio peuvent en effet, reproduire leurs propres semences et même les commercialiser (sous réserve de les déclarer à l’administration qui aura trois mois pour demander plus de détail sur la variété en question), cela ne veut pas dire que les semences sont « enfin libérées » et encore moins dire que l’agriculture bio fonctionnera d’un coup, d’un seul, avec des variétés traditionnelles. Car si une grande partie de l’agriculture bio fonctionne avec des hybrides F1 issues de l’agro-industrie, ce n’est pas uniquement parce que la loi interdit la commercialisation des variétés paysannes, c’est surtout parce que la filière se trouve face aux mêmes soucis de standardisation et de mécanisation que l’agriculture conventionnelle – afin de répondre à plus de 20 % de croissance annuelle. Cela, au détriment de la qualité sous tout aspect. 

Nous tenons également à rappeler que les maraichers, ou les agriculteurs bio, qui reproduisent depuis des années des variétés libres et reproductibles, en toute illégalité, n’ont pas attendu cette réforme pour faire leur travail. Inscrire celui-ci dans une démarche légale est certes une bonne chose, mais penser que l’acceptation par la nouvelle règlementation bio du “matériel hétérogène biologique” (terme fortement péjoratif en sémantique agricole) va changer le cours de l’agriculture est une erreur, selon nous contre productive. Nous applaudirons à nous rompre les phalanges quand les 36 000 personnes qui meurent quotidiennement de famines auront le ventre plein, quand les semences libres et reproductibles seront cultivables PAR TOUS ET SANS RESTRICTION AUCUNE, quand les plantes médicinales seront libérées de la poigne de fer des criminels pharmaceutiques, quand les 800 tonnes de sols qui s’érodent sous nos charrues chaque seconde seront autant de matières organiques créées par une agriculture respectueuse des écosystèmes, etc.

Donc oui, en termes de semences, l’adoption de ce texte est un pas en avant, mais nous n’avons pas gagné comme nous pouvons le lire ici et là. Nous en sommes loin !!!! Le combat continu, et il est mené, par des centaines de militants passionnés qui s’emploient avec ferveur à reconstruire les sols, à créer une agriculture de proximité, à créer de nouvelles variétés pour le domaine public, à lutter contre la main mise des institutions sur les terres les plus productives, etc. Tout cela sur le terrain, bien loin des parlementaires.

La meilleure chose à faire, afin de libérer vraiment les semences, c’est dynamiser toujours plus les circuits courts et l’agriculture de proximité, qui laissent aux producteurs bio la possibilité de travailler avec de vraies variétés nutritives, gustatives, et adaptées aux cercles vertueux que nous offre la nature. Tout cela avec ou sans le consentement du Parlement.

Ananda Guillet.